Ange

Un film de Tony Gatlif

25 juin 2025

ENTRETIEN AVEC TONY GATLIF

De quel désir de cinéma, de rencontre, d'humeur musicale est né Ange ?

Ange est né d'un énorme désir de vie, d'émotions fortes et de larmes. Nous sortions de l'époque du Covid et il fallait que mon nouveau film soit le contraire du monde dans lequel j'étais en train de vivre. Il fallait que j'aille plus loin encore dans l'amour et dans la révolte. Mais surtout pas fleur bleue. Je voulais qu'il soit porteur de contradiction et de provocation. Tracer une route qui irait de fête en fête. Une histoire simple, comme un fil. Un homme voyage avec sa fille qui lui rappelle le passé. Un passé qui lui rappelle sa lâcheté car il a disparu pendant plusieurs années. Mais Ange ne vit ni dans le futur, ni dans le passé. Il est dans le présent. Dans l'instant même. Et en même temps, il est dans la mémoire d'un peuple et d'une musique. Donc, le passé l'accompagne constamment.

Son van déborde de disques d'enregistrements de musique et de culture gitane...

Le bagage d'Ange, c'est la philosophie gitane. Les gitans ne vivent que dans le présent, ils n'ont pas de passé car ils n'ont pas voulu. Et ils n'ont pas de futur car ils n'en veulent pas.

Le personnage est dans le présent. Tout comme le film qui, à une exception près, n'a jamais recours au flashback... autre façon de préserver la part de mystère d'Ange.

À partir du moment où on commence à décrire un personnage en voulant révéler son passé, on entre dans le classicisme. Ce qui était ce que je ne voulais surtout pas faire. Avoir recours au flashback, c'était ne plus être dans la vie, ne plus être dans la fête ou dans l'amour de la vie. C'était être dans le malheur et dans les catastrophes. Cela brisait mon ambition de faire un film comme on trace un trait. Je voulais que l'on soit face à une radiographie. Que l'on puisse voir tout son passé à travers lui, mais sans rien dire.

Ange est un musicologue cherchant le contretemps.

Le contretemps c'est toute la musique. La gitane d'abord, mais aussi le rock, le jazz et toute la musique orientale et arabe. Le contretemps c'est comme quelqu'un qui se lève quand tout le monde est à genoux. C'est ce moment-là que cherche Ange

À ses côtés voyage sa fille, Solea.

Elle est discrète comme lui. Mais face à son silence, elle cherche à lui tirer les vers du nez par rapport à sa naissance. Donc elle s'invite chez lui dans son van, elle n'a pas d'autre moyen que de faire ça. Et elle décide de faire la route avec lui pour savoir d'où elle vient, quelle est sa vie et celle de son père.

Dans votre film, les musiques arrivent, percutent puis repartent presque aussitôt.

C'est exactement cela. Et c'est vraiment la spécificité de mon film. Je n'ai jamais fait cela auparavant. Normalement, la musique, on s'assoit pour l'écouter pendant 15 secondes, 5 minutes. Pas ici. Ce sont des bouffées d'émotion. Elles ne sont pas là pour décrire une situation qui est en train de se faire. Ce serait trop facile. Elles rebondissent sur ce qui se joue à l'écran.